RDC : Joseph Kabila sort de son silence, mais rate sa sortie médiatique
Après six ans de silence, l'ancien président congolais Joseph Kabila Kabange a accordé une interview au média sud-africain Sunday Times ce dimanche 23 février 2025. Cependant, loin de marquer un retour triomphal dans le débat politique, cette intervention a suscité des critiques et des interrogations sur son impact réel.
Dans cette interview, Joseph Kabila attribue la crise actuelle en RDC à la mauvaise gouvernance de son successeur, Félix Tshisekedi. Selon lui, cette crise, qui remonte à 2021, est à la fois sécuritaire, humanitaire, politique, sociale, morale et éthique.
« Au niveau national, la principale cause de cette crise est la volonté manifeste du leadership actuel de briser le Pacte républicain, issu du dialogue inter-congolais de Sun City et ayant abouti à une Constitution adoptée par référendum populaire en 2006 », a-t-il déclaré.
Il dénonce également des élections truquées en décembre 2023, qui, selon lui, ont amplifié l'illégitimité du pouvoir, réduit le poids de l'opposition et consolidé un régime autoritaire.
Une rhétorique de la victimisation politique ?
Joseph Kabila insiste sur un recul de la démocratie sous Félix Tshisekedi, citant des intimidations, des arrestations arbitraires, des exécutions extrajudiciaires et l'exil forcé de plusieurs figures politiques et sociales. Cette critique, bien que pertinente sur certains aspects, est perçue par certains observateurs comme une tentative de repositionnement politique plutôt qu'un véritable plaidoyer pour la démocratie.
En effet, sous son propre règne (2001-2019), Kabila a été accusé de pratiques similaires : musellement de la presse, répression des opposants et gestion opaque du pouvoir. Cette contradiction fragilise son discours et soulève la question de sa crédibilité en tant que défenseur des institutions démocratiques.
La question du M23 et du Rwanda : une lecture partielle du conflit ?
Concernant la situation sécuritaire dans l'Est du pays, Joseph Kabila appelle à une solution globale et non à un simple renforcement militaire. Il critique la stratégie actuelle qui, selon lui, se concentre uniquement sur le M23 et le Rwanda, occultant d'autres groupes armés et enjeux sous-jacents.
Toutefois, sa lecture du conflit semble ignorer certaines responsabilités et complicités passées, notamment la gestion des groupes armés sous son administration et les alliances changeantes entre Kigali et Kinshasa.
Un retour politique incertain
Si Joseph Kabila voulait marquer les esprits avec cette intervention, l'effet semble mitigé. D'un côté, il tente de se repositionner en tant que voix critique du régime actuel, mais de l'autre, son passé alourdit son message.
Son silence de six ans, loin d'être un atout stratégique, pourrait s'avérer être une faiblesse, car la scène politique congolaise a évolué, avec de nouveaux acteurs et une opposition fragmentée.
En somme, si Joseph Kabila ambitionne un retour en politique, il devra convaincre non seulement par ses critiques, mais aussi par des propositions concrètes et une réflexion approfondie sur son propre bilan.
Paul Claudel Kamukenji
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