Kasaï-Central : 16 maisons incendiées à Malamba, un conflit coutumier ravive les tensions dans le territoire de Luiza
Dans la pénombre d’un samedi devenu tragique, les flammes ont dansé à Malamba. Elles ont avalé seize maisons, consumé des souvenirs et ravivé une blessure ancienne que les cendres ne sauraient dissimuler : celle d’un conflit coutumier non résolu. Ce n’est ni le premier, ni le dernier épisode d’une saga qui secoue, depuis cinq ans, le territoire de Luiza, au Kasaï-Central, terre d’illustres fils du pays, aujourd’hui théâtre d’un silence institutionnel inquiétant.
Un territoire abandonné à ses contradictions
Luiza, berceau de figures telles que Grégoire Kamanga Musau, Isaac Jean-Claude Tshilumbayi Musawu, Pépin Guillaume Manjolo, Delly Sesanga, Ida Kamonji Neserwa, Thomas Munayi Muntu Monji ou encore feu Kamayi Mwangala, semble aujourd’hui orphelin de tout regard protecteur. Ministère de l’Intérieur, administration territoriale, société civile, chefs de secteurs ou de groupements : aucun ne semble vouloir ni pouvoir mettre un terme aux abus de pouvoir coutumier, ni à la prolifération des conflits fonciers.
C’est dans ce décor que s’est inscrit le drame de Malamba, une localité du groupement Ana-Lumbu, dans le secteur de Bushimaïe, située à douze kilomètres du chef-lieu (Masala). Le week-end du 28 au 29 juin a viré au cauchemar.
À l’origine : un trône contesté et un bief convoité
Le récit débute en novembre 2023. Le chef de localité Mabuku Raz meurt. Sa famille désigne naturellement son petit frère, Mubuku Lofombo, pour lui succéder. Le chef de groupement Léonard Musau Bukama, investi en bonne et due forme depuis 2018, entérine cette désignation.
Mais un groupe dissident, dirigé par un certain Mbumba, voit rouge. Il s’adresse directement à l’administrateur de territoire, qui, contre toute attente, désavoue le chef de groupement et pousse pour l’installation de Mbumba. « Je n’avais pas compétence pour installer quelqu’un choisi en dehors des traditions », a confié Léonard Musau. Il raconte avoir été mis devant le fait accompli : une commission comprenant l’ANR, la PNC et le chef de secteur tranche en faveur de Lofombo. Mais l’administrateur reviendra, quelques semaines plus tard, avec le chef de secteur Laurent Ntumba Mulele pour installer Mbumba. Sans Léonard Musau. Et sans la communauté.
Deux chefs, une localité. Une bombe à retardement.
Le bief Malamba-Kabuanga : quand l’argent attise les cendres
Au-delà du trône, il y a l’argent. Et un lieu stratégique : le bief de Malamba-Kabuanga sur la rivière Lulua. Un point de traversée essentiel pour les populations, où se perçoivent des redevances pouvant aller jusqu’à 5 000 FC par vélo ou passager.
Le partage du gâteau est codifié : du 1er au 20 du mois, l’État perçoit ; du 21 au 26, le groupement ; du 27 au 30, la localité. Sauf que depuis cinq mois, seul Mubuku Lofombo percevait. Mbumba, marginalisé mais toujours porteur d’une note signée par l’administrateur, n’envoyait plus personne.
Le vendredi 27 juin, les tensions explosent. Une rixe éclate au bief. Une personne grièvement blessée est conduite au centre de référence de Masala. Une autre, portée disparue. Le conflit bascule dans la nuit. Des coups de feu ? Des hurlements ? La version des témoins diverge. Mais le lendemain, seize maisons ne sont plus que des ruines fumantes : quatre dans le camp Lofombo, douze du côté de Mbumba.
Deux camps, une population otage
La zone se retrouve prise en otage entre deux visions du pouvoir coutumier. L’une, légitimée par les traditions ; l’autre, soutenue par un pouvoir administratif controversé. « Mbumba agit avec la bénédiction de l’AT », dénoncent plusieurs voix locales.
Ce n’est pas une première. En mai 2025 déjà, à Masala, des membres de la famille régnante avaient tenté de déposer Léonard Musau, lui reprochant une gouvernance solitaire, des violences physiques et un manque de dialogue. Ils lui avaient opposé un autre chef : Mpayi Mundembo. Deux camps, à nouveau. Deux versions de la légitimité.
Léonard Musau, lui, persiste : « Ils n’ont ni la légitimité, ni le monopole de remettre en cause mon autorité, même s’ils sont de ma propre famille. »
Une urgence de paix, un silence inquiétant
Les analystes locaux, la société civile, les voix sages de la communauté Kété multiplient les appels au calme. « Il n’y aura jamais de développement sans paix », martèle un notable de Bushimaïe.
Pourtant, malgré nos tentatives répétées, l’administrateur du territoire de Luiza et le chef de secteur de Bushimaïe n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations. Leur silence pèse lourd. Il nourrit les rancœurs. Il encourage l’impunité.
À Malamba, les familles pleurent. Les enfants dorment à la belle étoile. Le feu s’est éteint. Mais la braise politique, elle, continue de couver.
Paul Claudel Kamukenji
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