Fédéralisme ou poison de la balkanisation ? Kamitatu et Epenge s’affrontent sur l’avenir du Congo

Un débat de fond agite la scène politique congolaise. D’un côté, Olivier Kamitatu, directeur de cabinet de l’opposant Moïse Katumbi, propose une réforme audacieuse de l’État congolais en faveur du fédéralisme. De l’autre, Prince Epenge, porte-parole de LAMUKA, fustige une idée qu’il qualifie de « dangereux venin de balkanisation ». Entre volonté de moderniser la gouvernance et peur d’un éclatement du pays, les deux figures de l’opposition livrent des visions diamétralement opposées.

Kamitatu plaide pour un Congo fédéral

Dans une tribune publiée vendredi, Olivier Kamitatu plaide pour la création d’une République fédérale du Congo, structurée autour de cinq grandes régions autonomes : l’Orientale, l’Équateur, le Kongo, le Kasaï et le Katanga. Pour cet ancien président du Parlement de transition, la centralisation actuelle a démontré ses limites face aux défis du pays : mauvaise gestion des ressources naturelles, pauvreté persistante et conflits récurrents, notamment dans l’Est.

Il estime que ce découpage régional, inspiré des anciennes provinces historiques, permettrait une gouvernance plus proche des réalités locales, avec des gouvernements régionaux élus, capables de mettre en œuvre des politiques adaptées à leurs spécificités. Il propose un partage équitable des revenus issus des ressources naturelles (60 % pour les régions, 30 % pour l’État central et 10 % pour un fonds de solidarité).

Kamitatu insiste sur le fait que sa proposition ne remet pas en cause l’unité nationale, mais vise au contraire à la consolider par la valorisation des identités régionales, dans un cadre commun. Il appelle à un dialogue national pour redéfinir le pacte républicain et faire face, selon lui, à une crise profonde du modèle unitaire actuel.

Epenge dénonce un « poison enrobé de vaseline »

La réponse de Prince Epenge est cinglante. Pour lui, le fédéralisme n’est rien d’autre qu’un « qualificatif sexy du mot balkanisation », un projet qu’il juge aussi inutile que dangereux.

« Même avec de la vaseline, Monsieur Kamitatu, ça ne passera pas », écrit-il avec virulence. Le porte-parole de LAMUKA rappelle que la Constitution actuelle, fruit du consensus entre les fédéralistes et les unitaristes, a déjà prévu une décentralisation très poussée. Il estime que ce sont la médiocrité, l’irresponsabilité et l’incompétence des dirigeants — et non la forme de l’État — qui appauvrissent le Congo.

Epenge voit dans la proposition de Kamitatu une tentative de fragmentation identitaire, qui mènerait inévitablement à des guerres internes : « Aujourd’hui nous sommes Katangais, Kasaïens ou du Congo central ; demain, ce sera de quel territoire, secteur, village ? » Il accuse Kamitatu de vouloir créer des micro-États dirigés par des « roitelets milliardaires », au détriment de l’unité nationale, et assure qu’il combattra ce projet même avec des armes, si nécessaire.

Enfin, Epenge s’indigne qu’un homme ayant milité pour le respect de la Constitution puisse porter un tel projet. Il y voit une trahison du combat de Lumumba, Mobutu et des pères fondateurs, et accuse Kamitatu de « cracher sur leurs tombes ».

Deux visions irréconciliables ?

Ce choc de positions au sein même de l’opposition révèle une fracture profonde sur l’avenir institutionnel du Congo. D’un côté, une volonté de réforme structurelle pour répondre aux défis d’un pays vaste et complexe ; de l’autre, une crainte viscérale de perdre l’unité et la cohésion nationales chèrement acquises.

Le débat est désormais ouvert. Mais à l’heure où le pays traverse une crise sécuritaire aiguë, et où l’unité nationale est plus fragile que jamais, la proposition de Kamitatu pourrait bien devenir le nouveau champ de bataille politique en RDC.

La rédaction


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