Cobalt en suspens : la RDC entre stratégie et dilemme économique (236e Brevets Juridiques)

Suspension temporaire des exportations de cobalt en RDC : contours et conséquences de la mesure

Les faits : Le 22 février 2025, le Conseil d’Administration de l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Marchés des Substances Minérales Stratégiques (ARECOMS) a, par son communiqué n°2025/001, annoncé la décision de suspendre temporairement l’exportation du cobalt en RDC. Cette mesure, d’une durée initiale de quatre mois, vise – d’après ce communiqué – à stabiliser le marché du cobalt en réponse à la surabondance de l’offre sur le marché international. Quelles sont les implications et les perspectives de cette décision ? Un pas en avant ou trois pas en arrière ?

En droit : La RDC, qui représente 70 % de la production mondiale de cobalt, est au cœur des enjeux stratégiques liés à cette ressource essentielle pour les batteries, les alliages et les industries modernes. Le Code minier de 2018 a encadré cette exploitation, avec le décret n°18/042 déclarant le cobalt comme minerai stratégique et le décret n°19/15 axé sur les activités artisanales. La création de l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC) en 2019 visait à centraliser l’achat, la transformation et la commercialisation du cobalt artisanal. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu, et ces dernières années, le marché international a été inondé par une offre excédentaire de cobalt, entraînant une baisse significative des prix, bien loin du cap des 90 000 dollars franchi en 2018. Actuellement, la tonne de cobalt métal se négocie à environ 20 000 dollars sur la Bourse des métaux de Londres.

Face à cette crise, l’ARECOMS a instauré une suspension temporaire des exportations de cobalt sous toutes ses formes – qu’elles soient industrielles, semi-industrielles, à petite échelle ou artisanales – afin de réduire l’excédent, stabiliser les prix et garantir une rémunération équitable des producteurs.

Toutefois, cette décision pourrait entraîner des effets négatifs, tels que le développement de matériaux alternatifs par les utilisateurs finaux ou une baisse des recettes fiscales et des devises issues de l’exportation, fragilisant ainsi l’équilibre économique du pays. Le cobalt, essentiel aux finances publiques et aux projets de développement, est crucial pour la stabilité du pays, notamment à un moment où la RDC doit relever des défis de souveraineté et d’intégrité territoriale.

Pour compenser les effets de cette suspension, la diversification économique – notamment via l’agriculture, le tourisme et les services – est suggérée, bien qu’irréalisable à court terme. Une alternative pourrait être l’instauration de quotas d’exportation comme mesure plus souple. Cependant, des questions demeurent : la RDC a-t-elle réellement la capacité de gérer efficacement ses mines et d’exercer un contrôle déterminant sur le marché du cobalt ? Détient-elle toutes les cartes en main pour espérer influencer ce marché ? Il ne suffit pas seulement d’oser, encore faut-il aller jusqu’au bout. Mais gère-t-elle réellement ces mines de cobalt, sachant qu’à l’heure de la transition énergétique, ces métaux rares – le cobalt en tête – sont au cœur de la bataille que se livrent Washington et Pékin pour s’approprier les richesses du sous-sol congolais ?

Dans ce tango, la RDC avance-t-elle d’un pas ou recule-t-elle de trois ? En somme, un tango exige coordination et équilibre : il faudra que la RDC danse avec plus de stratégie pour avancer durablement.

Me Joseph YAV KATSHUNG


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